Le 21 novembre à la Sala Beckett, a eu lieu la première de la nouvelle production théâtrale du québécois Philippe Soldevila: Quebec-Barcelona, une histoire qui bâtit des ponts interculturels entre la Belle Province et la capitale catalane. L’œuvre est le fruit de deux ans de travail entre Soldevila et l’auteure du texte, Mercè Sarrias. Décrite par les créateurs comme une «aventure théâtrale internationale», la pièce raconte l’histoire de deux femmes, des cousines éloignées, qui échangent leurs vies afin de fuir leurs problèmes. Ce voyage se convertit en une période de liberté dans laquelle les deux protagonistes trouvent un espace propice à la réflexion. Avec un directeur québécois, une auteure catalane, deux acteurs québécois et deux acteurs catalans, Quebec-Barcelona est un croisement culturel tant au niveau de la fiction théâtrale qu’au niveau de la production.
Mercè Sarrias, une journaliste et dramaturge catalane, présente à Barcelone sa pièce Québec-Barcelone après le succès obtenu à Québec en septembre dernier.
Mercè, que peux-tu nous raconter sur Québec-Barcelone?
Québec-Barcelone est une pièce portant sur deux femmes qui se croisent «sur l'océan» : une catalane qui voyage au Québec et une québécoise qui voyage à Barcelone. C'est une comédie sur leurs vies, où elles parlent de leurs peurs et exposent leurs pensées. C’est aussi une description de leurs voyages et de la découverte des villes qu'elles visitent.
Ce projet, résultat d'un long processus, a découlé d'une proposition de Soldevila?
Oui, j'ai écrit la pièce lorsque le directeur de la compagnie québécoise, Théâtre Sortie de Secours, Philippe Soldevila, m’a proposé de réaliser un montage avec deux acteurs catalans et deux acteurs québécois. Cela fait plus de trois ans, presque quatre, que nous avons commencé cette aventure transocéanique qui a suivi un très long processus pour arriver à la production.
Et dans ce processus …
Il y a eu de tout. J'ai écrit la pièce grâce à une bourse de l’Institució de Lletres Catalanes, de l'Institut Ramon Llull, qui m'a payé les déplacements au Québec. Mais réellement, la correspondance entre Philippe et moi est composée par plus de 600 emails. Plus de 600 emails, afin de pouvoir coordonner ce projet qui a été présenté au public, il y a déjà trois ans, quand nous participions au festival Carrefour International de Théâtre de la ville de Québec avec quelques lectures dramatisées. Il a encore fallu quelques années avant que ce projet ne puisse être représenté à nouveau.
Comme dramaturge, qu'est-ce que ce pari sur le bilinguisme, sur l'échange culturel dans tous ses aspects a comporté?
C'était une expérience fantastique puisque j'adaptais beaucoup le texte durant le montage. Cela a donné comme résultat un travail organique où le texte était dirigé et refait en fonction des interventions bilingues des quatre acteurs. La pièce est à la fois écrite en catalan et en français et cet aspect bilingue est traité naturellement. Les catalans parlent un peu plus en français mais ils le font toujours comme des touristes. Nous donnons aux acteurs québécois le texte en catalan quand ils essaient de communiquer avec les catalans.
Vous avez recours aux sous-titres, davantage utilisés au cinéma
Oui, et en plus, ils restent parfaitement intégrés au montage. Je crois qu’à cette époque de l'audiovisuel, où il est très habituel de voir des vidéos dans d’autres langues avec des sous-titres, notre regard y est beaucoup plus habitué. Selon moi, le spectateur n’aura pas de problème avec cette immersion linguistique.
Philippe Soldevila est né au Québec mais ses parents sont d’origine espagnole. Avec Quebec-Barcelona, il a tenu à mettre sur scène la multi culturalité ressentie depuis son enfance.
Depuis le début…
Bon, toute cette histoire a commencé lorsque le texte de Mercè En defensa dels mosquits albins m’est parvenu dans le cadre d’un projet entre Montréal et l’Obrador de Barcelona. Je faisais partie du comité de lecture des textes catalans afin de réaliser une série de lectures dramatisées et je me souviens que lorsque j’ai lu la pièce de Mercè, j’étais au lit et je ne pouvais pas m’empêcher de rire. C’est à ce moment que j’ai décidé que je voulais travailler avec l’auteure catalane. En premier, nous avons monté En defensa dels mosquits albins là-bas au Québec et par la suite, nous nous sommes aventurés dans le projet Québec-Barcelone.
Quelle était ton objectif dans cette coopération ?
En fait, je voulais transférer au plan théâtral mon expérience et ma fascination pour la multi culturalité, proposer un voyage interculturel. Je suis né dans la ville de Québec dans un contexte d’immigration. Mon père est valencien et ma mère est de Navarre. Pour cette raison, la langue que j’entendais à la maison était différente de celle que j’entendais dans la rue. De plus, le Québec est multiculturel. Il n’est pas rare de trouver, surtout à Montréal, des personnes qui parlent facilement quatre langues.
Objectif atteint ?
Et bien plus encore. Quebec-Barcelona nous raconte l’histoire de quatre personnages qui s’entrecroisent dans un contexte de voyage et d’exploration. À travers ce choc marqué par la différence, on établit la recherche sur l’identité de chacun. Les langues se mélangent, les personnalités du froid du Nord se retrouvent avec celles de la chaleureuse Méditerranée… Une expérience de rencontres qui en réfléchissant bien, s’est également transposée à l’ensemble du projet. Ce mélange de cultures se retrouve tant sur la plan fictif que dans le monde réel. Le montage, ma relation avec Mercè, la direction des acteurs, la production…tout cela a été une rencontre entre deux cultures.
Y-a-t-il eu un choc culturel?
Bien, en ce qui a trait au montage proprement dit et au travail avec les acteurs, non. Ma compagnie s’est tout de suite adaptée au travail de Mercè Sarrias et à celui des trois acteurs. Nous n’avons pas rencontré de difficultés. De fait, nous avons parlé la même langue depuis le début. Cependant, un choc culturel s’est produit au plan de la production. En plus que le processus pour obtenir l’appui suffisant pour présenter la pièce ait été long, au Québec, nous avons une manière de travailler très différente de celle d’ici. Il a été difficile pour moi de comprendre qu’on ne répondait pas à mes courriels la même journée et que les prévisions que nous avions réalisées au Québec étaient réelles, tandis qu’ici, elles étaient projetées d’une forme davantage arbitraire…Mais nous y sommes arrivés.
La pièce a débuté avec succès dans la ville de Québec. Comment a été le montage ici ?
Le samedi, nous avons fait la première représentation au Temporada Alta à Gérone et cela s’est bien passé. Nous avons pu voir un public très amusé et bien disposé. Le montage fait de l’autre côté de l’océan fonctionne donc bien. Nous espérons que cela fonctionne à la Sala Beckett. Nous n’avons pas eu de difficulté à monté la pièce, nous sommes entre amis. C’est comme si nous étions en visite. De fait, hier j’ai envoyé une carte postale à mon équipe qui est au Québec : Amis, le voyage se passe bien.