Née en Pologne et établie à Montréal, Ana Rewakowicz est une artiste multidisciplinaire qui bénéficie présentement du programme de résidence au British School at Rome (BSR), fruit d’une entente entre le BSR et le Conseil des Arts et des Lettres du Québec.
Cette résidence de 3 mois permettra à Ana Rewakowicz de poursuivre son projet “Ponte rotto”, qu’elle pourra par ailleurs présenter dans le cadre de l’exposition organisée par le BSR du 14 au 20 mars.
Pour inaugurer “Québécois en Italie”, un nouveau rendez-vous que nous vous proposons sur nos espaces web, nous avons rencontré Ana Rewakowicz et nous lui avons posé quelques questions pour mieux la connaitre et pour comprendre l’origine de son projet.
1- Quelle est l’origine de l’idée de « Ponte Rotto »?
J’ai développé l'idée du projet « Ponte Rotto » à partir d'un projet antérieur que j'avais réalisé en Finlande en 2006. Le projet « Green Line » : un tube gonflable de 350 mètres de longueur (et environ 90 cm de diamètre) en "Bioska", un matériel biodégradable produit par l'enterprise Pastiroll OY en Finlande, et qui s'étendait sur l’eau à partir de l’île Lauttasaarie jusqu’à la Cable Factory située sur le continent. Le projet était une proposition d'un dessin dans le paysage qui représentait visuellement un lien (un pont) entre deux rives. J’ai été inspirée pour ce projet de mes traversées quotidiennes en vélo sur le pont de Lauttasaari, entre Espoo et Helsinki. Lors de ces déplacements, j'éprouvais une conscience particulière, celle de ma présence, j’avais la ferme sensation d’être là, entre les deux rives.
Pareillement au projet en Finlande, je vois le projet « Ponte Rotto » comme un dessin dans l'espace. Un pont exprime un lien et représente symboliquement un désir/besoin d’entrer en relation. Dans le contexte des enjeux actuels, tels que la détérioration de l’environnement, les changements climatiques, la mobilité, l’augmentation de la population et la diminution des réserves de combustibles fossiles, il faut penser en termes de relations, il faut prendre conscience de comment nos actions (ou notre inaction) affectent les autres et l’environnement.
Afin d'établir une connexion avec l'environnement j'ai l'intention de travailler avec un matériau 100% recyclable produit par Serge Ferrari. En utilisant ce matériau qui est léger, je veux aborder la préoccupation de Buckminster Fuller (NDR et notamment le principe de "ephéméralisation") en proposant la légèreté comme un moyen de contrebalancer notre excès de matérialisme et de déchets.
La signification de ce projet est multiple et va au-delà des frontières nationales afin de donner la priorité à des préoccupations sociales et écologiques dans un contexte mondial. L'objectif du projet est de redéfinir notre relation avec l'environnement, avec le passé (ce qui en reste) et le futur et de présenter la connectivité et l'ouverture dont le succès de l'humanité dépend. Le projet crée un lien entre les cultures européennes et nord-américaines et me donne une chance de renouer avec mon passé personnel et avec un endroit où je vivais avant d'immigrer au Canada et au Québec. En fait, vous devez savoir que la langue italienne a été ma première langue étrangère avant même l'anglais et le français. Je suis heureuse d'avoir l'occasion de travailler à Rome et d’y représenter le Québec dans un contexte international.
2- Comment êtes-vous passée de l’idée à un projet d’ingénierie?
J'ai collaboré avec l'ingénieur Pierre Jutras de Montréal sur plusieurs de mes projets précédents, tels que Le Nuage, SR-hab (de vélo solaire) et LSS (Life Support System). Pierre Jutras est également impliqué dans le projet « Ponte Rotto » ainsi que Antonio Martinelli - ingénieur italien à Rome. Sur l'installation, que j'ai présentée à l'Institut polonais (NDR du 6 novembre 2013 au 17 janvier 2014), j'ai travaillé avec le chercheur Jean-Marc Chomaz de l'École Polytechnique à Paris.
Je trouve très stimulantes et inspirantes les collaborations avec des experts des domaines scientifiques. Il s'agit d'échanges de connaissances qui permettent d'arriver à de nouvelles solutions. Je vois ma pratique de l'art comme un processus de construction de ponts.
Le projet « Ponte Rotto » n’aurais pas été possible sans ces collaborations, qui sont une partie intégrante de mon processus créatif et de ma façon de travailler.
3- Est-ce que ce projet vous a permis d’établir de nouveaux contacts en Italie et en Europe?
Oui, le projet « Ponte Rotto » m'a permis de nouer de nombreux nouveaux contacts en Italie et en Europe. J'ai rencontré beaucoup de gens grâce à mon projet et je suis sûre que ce cercle de contacts augmentera à mesure que je continue à y travailler.